krukru
Nombre de messages : 74 Age : 32 Localisation : Dans mon monde Livre coup de coeur : Tous les Coelho Date d'inscription : 14/05/2008
| Sujet: Lettre Sam 20 Juin - 16:21 | |
| Bonjour, une lettre comme en écrivait avant, à l'époque où les sms n'existaient pas, où l'on parlait avec cette langue magnifique, et où on avait le plaisir de recevoir des lettres...un peu étrange certes mais j'espère que ça vous plaira Très chère amie,
Voilà fort longtemps que je n’aie point mandé de vos nouvelles et je m’en excuse. J’ai malgré tout mille raisons de n’avoir pas eu le loisir de vous écrire et il me faut par conséquent vous les conter sur l’heure. Je vous aie parlé il me semble, dans une précédente correspondance, de Madame de Montjoie. Dame de haut lignage mais fort aimable, quoique étant dotée d’une fâcheuse tendance à s’immiscer dans la vie d’autrui. Je n’en avais jusqu’à ce jour jamais fait les frais. Elle m’a pourtant fort incommodée, par son besoin d’améliorer le quotidien de ses amis et autres connaissances. Mais je vous fais languir, vous qui devez à présent vous interroger. Voici donc cette aventure qui m’est arrivée tantôt et qui va j’en suis sûre, grandement vous divertir, car, il est vrai, je l’avoue aujourd’hui, elle ne manque point d’humour. Madame de Montjoie a appris de façon fortuite que mon père m’avait envoyée avec ma mère pour chaperon, en cette région glacée de Champagne pour trouver un bon parti. Cette aimable dame, dotée des intentions les plus louables je n’en doute point, décida alors de m’aider dans ma quête. Pour ce faire, elle convia tous les gentilshommes de la région en sa demeure, dans un balai incessant de promenades, de discussions de salons, et autres festivités. Or, il semble que mon charme du sud frais et campagnard, comme aime à le décrire Madame de Montjoie, est fait sensation auprès de ces messieurs. Les voilà partis en poèmes éplorés et regards pleins d’espoir d’être aimé en retour de quelques rimes ânonnées derrière un buisson de roses où ils aimaient m’attirer. J’en conviens, ce fut au début fort flatteur, et je n’ai peut être été point assez franche avec mes sentiments à leur égard, goutant à leurs paroles galantes. Mais toute cette affaire devint vite fort embarrassante lorsque deux de ces gentilshommes eurent un différent quant au prétendu amour qu’ils me portaient. Chacun d’eux me fit une cour éperdue durant de longs jours, trouvant l’autre indigne de poser les yeux sur ma pauvre personne ! J’eu droit à tout ce que la région compte de clairières romantiques, promenades à cheval au pas pour gouter à leur déclarations mièvres et leur timidité. Rien de bien fâcheux en apparence. Néanmoins, chacun en vint presque à dormir sous mes fenêtres, en espérant m’apercevoir un instant de plus que son rival. Cela devint fort gênant. Nous ne pouvions plus faire un pas au dehors sans que l’un ou l’autre se précipite. Tout en se mesurant inlassablement en d’interminables joutes verbales pour s’attirer mes grâces. Par une après-midi en leur compagnie, un désaccord plus violent qu’à l’habitude éclata et se transforma en une vive dispute. Toutes mes douces paroles ne purent rien y changer, et les voilà donc partis dans l’idée d’un duel pour sauver leur honneur. Toutes les dames et demoiselles étaient au bord de la crise de nerf et les suppliaient en sanglotant, mais rien n’y fit. Il était pourtant évident que la peur leur nouait les entrailles et qu’ils priaient intérieurement qu’une tierce personne intervienne pour leur éviter de perdre la face en se dérobant. Je dus bien me résoudre à jouer ce rôle, étant la première concernée par ce fait. Tandis qu’ils se fixaient, le regard dur mais les jambes tremblantes, je m’échappais d’entre les bras de ma mère pour me précipiter entre eux, le corps secoué de sanglots factices, le visage déformé d’horreur, les suppliant de renoncer à ce triste dessein, les mains jointes. Ma détresse sembla les satisfaire, que dis-je, les sauver, car presque aussitôt, ils se jetèrent à mes genoux, me priant de les excuser. L’affaire se termina ainsi. Ils me jurèrent de ne plus m’importuner et ne paraissent à ce jour chez Madame de Montjoie que très rarement, cette dernière ayant fort heureusement compris la situation délicate où elle m’avait menée. Voici donc mon quotidien chère Mathilde, qui n’a comme vous pouvez le voir, rien de royal. Je me languis au contraire du maquis de notre Provence qui doit déjà se parer des dorures de l’été. Les cigales ont du revenir dans nos pins. Chères amies…comme leur rumeur cuivrée me manque aujourd’hui, perdue dans les plaines interminables de ce Nord glacé où nous nous croirions encore à la naissance du printemps. Je me languis aussi de vos visites en ces brûlantes après midi où nous nous alanguissions dans nos fauteuils, à l’ombre de la tonnelle, les vignes déroulant leur tapis de verdure sur les collines alentour…Me voilà bien mélancolique. Sachez que je souhaite ardemment votre visite.
J’espère très chère amie, que cette mésaventure vous aura divertie, et que vous me conterez tantôt quelques histoires propres à me faire sourire dans cette terre impersonnelle, sans relief ni chaleur. | |
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Asahi Admin
Nombre de messages : 617 Age : 30 Localisation : Bruxelles Livre coup de coeur : étudiante Date d'inscription : 10/08/2007
| Sujet: Re: Lettre Dim 21 Juin - 15:29 | |
| Eh bien, c'est bluffant ! Ca fait un bien fou de lire une texte d'une telle richesse linguistique ! Je pense que des mots comme ceux-là sont bien plus évocateurs que d'autres. Il est triste que nous perdons ce beau français qui fut notre langue. C'est une manière de redécouvrir des mots oubliés. Mais bon, je ne m'imagine quand même plus parlant comme cela aujourd'hui. C'est vraiment très bien !! J'aime | |
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krukru
Nombre de messages : 74 Age : 32 Localisation : Dans mon monde Livre coup de coeur : Tous les Coelho Date d'inscription : 14/05/2008
| Sujet: Merci Ven 26 Juin - 11:28 | |
| Oui c'est sûr ça prend beaucoup trop de temps Mais merci beaucoup!! | |
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