DEROUTE
(1ère Partie)
Le soleil d'Italie brûlait ma peau comme si mon corps tout entier avait été transporté dans un incinérateur. Au moment où je me disais que ça ne pouvait pas être pire, ce fut pire. Le portier du grand hôtel de luxe qui me faisait face refusait catégoriquement de me laisser entrer sous prétexte que j'étais bien trop jeune et qu'il fallait être accompagné au minimum d'un adulte pour réserver une chambre. J'avais beau lui répéter dans ma plus belle langue italienne que je voulais seulement rejoindre mon frère et ma mère, il n'arrêtait pas de s'excuser en secouant négativement la tête à croire que c'était la seule chose qu'on lui avait apprise durant son existence. N'y avait-il aucune justice dans ce bas monde? A moins qu'il eut penser que j'étais une groupie folle à lier.
Je décidai de me calmer et de respirer le plus calmement possible de peur de succomber à une soudaine rupture d'anévrisme. Ce n'était ni le moment, ni le lieu pour flirter avec la mort. Comment m'étais je retrouvée à Rome- à plus de neuf cent kilomètres de chez moi- par cette insupportable canicule à supplier un têtu d'italien de me laisser rentrer dans le plus grand et luxueux hôtel de la capitale? J'avais dû être extrêmement cruelle et fourbe dans mon ancienne vie pour mériter pareil sort. Un despote probablement. Je me retrouvais ici grâce à ma très chère mère et à mon très cher frère. Ce dernier ne prenait pas la peine de répondre au téléphone! Bien sûr. Pourquoi s'embêterait-il alors qu'il était l'acteur le plus en vogue d'Hollywood grâce à son rôle principal dans le film d'action
Agent masqué en tête du box-office américain! Quel culot! Il en mourra. Et bien sûr, comme chaque mère qui se respecte, la mienne est complètement fière de son bambin et ne manque pas de le prouver en accompagnant Ben pour sa tournée médiatique. Et qui est-ce qui était obligée de suivre son prétentieux de frère et sa folle de mère partout dans le monde sans émettre la moindre protestation de peur d'être définitivement détestée? C'était moi!
Bien sûr, j'aurais très bien pu rester chez moi avec mon père, à regarder chaque après-midi un épisode de Star Strek en mangeant des plaques entières de chocolat, des pots Häagen- Dazz au brownie et de la pâte d'amande; seulement je n'avait aucun père. Et ça c'était cruel. C'était comme ça malheureusement... Certains naissaient avec une bonne étoile et d'autres non. Un bon vieux coup de la fatalité...
Je serrai les poings tandis que je traversais la quatre voies pour m'installer sur un des bancs verts émeraude du parc ombragé. Il était entièrement vide. La population romaine devait être enfermée chez elle avec un gros stock de boissons fraîches et des centaines de ventilateurs réglés à la puissance maximale en attendant que la chaleur daigne s'en aller. Et moi j'étais coincée dehors, à mourir de chaud, oubliée des miens. Ils remarqueront mon absence à Berlin ou à St Pétersbourg... Et d'ici là, je serais déjà à la morgue de Rome où les employés attendront une semaine pour qu'on vienne chercher ma dépouille. Et comme bien entendu, personne ne viendra, on m'enterra dans la fosse commune avec un beau inconnue gravé sur ma vulgaire croix de bois. Magnifique perspective! Je n'ai aucune envie de terminer comme ça du simple fait que je voulais commencer des grandes études littéraires, écrire de futurs grands best-sellers et vivre de ma plume. Le rêve!
Cette idée me redonna du courage et je me donnais quelques minutes pour réfléchir à un plan. Comment entrer dans ce fichu hôtel? Comme il aurait été plus simple d'être quelqu'un d'autre! Parfois j'aimerais tant me réveiller dans le corps d'une célébrité quelconque, reine de la jet-set, dont la vie se résumerait à boire des cocktails alcoolisés sur la proue d'un superbe voilier quelque part perdu dans les Caraïbes et dont la seule chose a laquelle elle aurait a se soucier serait le choix à faire pour la couleur de son vernis à ongles. Belle vie, non? J'étais tellement désespérée que j'essayais de m'imaginer à la place de cette femme exceptionellement riche qui elle, n'aurait eu aucun soucis pour rentrer dans le plus grand hôtel de luxe de Rome. Le portier ne l'aurait jamais bassiné avec ses excuses. Et le plus merveilleux dans tout ça, c'est qu'elle n'aurait jamais été oubliée dans un parc où elle aurait été sur la route de la mort et de l'indifférence!
(dernière partie à suivre...)