C'est un style un peu particulier à la Anna Gavalda que j'ai voulu essayer. On aime pas forcément, mais bon...
Ca y est ! Je le vois. Pas trop tôt, depuis le temps que j'attends.
J'ai quand même couru tout le boulevard et traversé l'immense galerie Lafayette en passant par je ne sais quels chemins.
Parlons-en de cette galerie ! Franchement je trouve que c'est vraiment mal foutu. Y'a des rayons partout, placés n'importe comment. Déjà que quand on vient pour faire du shopping, on sait plus où donner de la tête, mais alors quand c'est juste pour prendre un raccourci...
J'ai renversé pas mal de mannequins et de vêtements, tellement que je me suis fait engueulé à la sortie par l'agent de sécurité. « Oui... oui, oui. Je vous comprend parfaitement monsieur l'agent... Oui, bien sûr. Je payerai les dégâts s'il le faut, ce n'est pas un problème. »
En effet ce n'était pas un problème. Je ne suis pas le genre de personne qui est dans le besoin. Je bosse dans un magazine pour femme en tant que journaliste. Le style de magazine où l'on vous fait faire des tonnes de régimes chaque mois en disant que ça va faire des miracles. Tu parles... J'en suis pas très fière, mais en fait je m'en fous un peu, après tout, ça me concerne pas. Je suis un vrai fil de fer.
L'agent commençait vraiment à me taper sur les nerfs. Maintenant, il parlait de ses gosses. Nan mais qu'est-ce que j'en ai à foutre de ses gosses, moi ? Il est 21h30 et j'aimerais faire ce que je fais tout les soirs, merde.
Et puis comment ça se fait qu'il me parle de sa famille ? Il était pas entrain de m'engueuler y'a deux minutes ?
- Hum... vous m'excuserez, mais je suis extrêmement pressée.
- Ah... je suis navré. On ne voit pas le temps passé lorsqu'on est en si bonne compagnie, a-t-il dit en lorgnant sur mon décolletée.
C'est ça, va retrouver ta femme. J'ajoute en riant faussement:
- Ahahah, eh bien, au plaisir de vous revoir.
Tss.
Bon. J'ai réussi à partir et à arriver à destination sans encombre. Enfin même si j'ai failli me faire écraser par un chauffard.
Donc, après pas mal d'insultes à son intention, je suis arrivée au parc. Je l'aime bien. Il est pas très grand, mais il y a une jolie fontaine au milieu. Pleins de fleurs aussi. J'ai l'impression d'être dans un roman quand je suis là. En fait, je sais pas si on peut appeler ça un parc. C'est vraiment minuscule. Un square tout au plus.
Comme tout les soirs, je me suis assise sur le banc qui est à moitié cassé. Comme tout les soirs, le banc d'à côté est pris par un clodaud, avec qui je converse de temps à autre.
- Comment va ?
Complètement bourré, il est. Moi je réponds un « bien » timide.
- Et les gosses ?
OK, je laisse tomber.
Comme tout les soirs, une grosse dame, défigurée par des kilos de maquillage, est installée deux banc plus loin – je tiens à préciser qu'elle prend toute la largeur du banc, c'est dingue !
Et comme tout les soirs, j'attends. J'attends quoi ? L'amour ? Peut-être, peut-être pas. En tout cas, j'attends quelqu'un.
Je suppose que vous n'êtes pas seul. Je veux dire, vous avez une bande d'amis avec qui vous sortez le soir. Une famille, certainement, la plupart d'entre vous tout du moins. Bref, vous avez des gens sur qui vous pouvez compter.
Vous ai-t-il jamais arrivé de rentrer chez vous et d'en avoir plein le dos, parce que vous avez passé une journée affreuse au boulot ? Evidemment, ça arrive à tout le monde. Dans ce cas, vous êtes heureux de retrouver votre mari ou votre femme et vos enfants, ou même d'aller prendre un verre avec vos amis.
Moi, je ne peux pas. Je n'ai personne. Non, personne sur qui compter. Je rentre chez moi, je suis crevée. Je dois encore bosser sur un article, me faire à manger, ranger, etc. Mais personne pour me soutenir.
Toujours est-il que, depuis quelques mois, je viens ici, dans ce parc. Et j'attends. Mais quoi ?? Je sais pas, je me dis que peut-être quelqu'un va venir et dire:
- Amélie ? Te voilà, je t'ai cherché partout ! Je suis heureux de te voir !
Un homme de préférence.
Non, je ne suis pas folle. Je suis en manque d'amour.
Aujourd'hui, ça a vraiment été difficile de venir, mais je ne pouvais pas rater une soirée ici. On -le boulot – m'a envoyé pour faire un petit reportage. J'étais super loin - d'où ma grande épopée dans la galerie.
C'était peut-être un signe.
Parce que là, j'en suis sûr, je l'ai vu.
Qui ?
Bah celui que j'attends.
Merde, je l'ai perdu.
C'est con.
Chut... Ah ! Tu vois ! Il est là. En costard cravate avec un porte document, genre avocat très réputé. J'te dis il est pour moi !
Tout à coup, j'étais hyper émue. Des mois d'acharnement. L'aboutissement d'un désir profond de... Oh ! Il court vers moi !
Je me suis levée, j'ai défroissé ma jupe et lui ai fait mon plus beau sourire. - en espérant que je n'ai rien de coincé entre les dents.
Aaah... merveilleux.
Bruit de pas de course, respiration haletante.
Vroum.
...
...
Passé devant moi comme une flèche pour rejoindre la grosse.
Ma vie est un désastre.